Climat : La France menacée par les ouragans ?
Depuis les 30 dernières années, les scientifiques observent une migration des ouragans vers le Nord. Ces phénomènes dévastateurs qui frappent essentiellement les territoires tropicaux, ont-ils l'Europe dans la liste de leurs prochaines cibles ? Début d'explication dans cet article.
L'ex-ouragan Ophelia frappe les côtes de l'Irlande le 16 octobre 2017 | NOAA
Qu'est ce qu'un « ouragan » ?
Dans l'imaginaire collectif, le mot ouragan est souvent associé à des événements ravageurs. Toutefois, l'on sait moins dans quelles conditions et comment ils se forment. Et ces points-là sont importants de connaître pour aborder la suite. Premièrement, pour qu'un ouragan se développe, plusieurs ingrédients doivent être réunis :
• La température de l'eau de surface de l'océan doit se situer à 26 degrés ou plus, sur une profondeur d'au moins 50 mètres et sur une large zone.
• Les vents entre la surface et la troposphère doivent souffler dans le même sens, et de la même intensité. Si cas contraire, la structure sera désorganisée empêchant donc la formation.
• L'air doit être chargé en humidité (au moins 40%).
Et ce sont ces conditions particulières que l'on retrouve dans les zones tropicales, surtout à partir de la fin de l'été quand l'eau est la plus chaude. Cette chaleur océanique agit comme un véritable carburant pour les ouragans.
Ensuite, voyons comment se forme un cyclone. Quand l'eau est chaude comme c'est le cas à partir de septembre, elle s'évapore créant donc des nuages chargés en particules d'eau. L'énergie est redistribuée par condensation ; l'air chaud monte, tandis que l'air froid lui descend. Grâce à la force Coriolis, le système va se mettre à tourbillonner. Néanmoins, notre ouragan n'est pas encore né. Pour cela, il lui faut prendre de l'ampleur.
Le système va progressivement gagner en énergie, passant de dépression tropicale à tempête tropicale, avec des vents pouvant souffler jusqu'à 118 km/h. Les cyclones tropicaux sont classés par rapport à leur intensité. L'échelle de Saffir-Simpson permet de classer les ouragans en plusieurs catégories précises allant de 1 à 5. Lorsqu'un cyclone atteint des vitesses de vent de 119 km/h, il passe le cap de la catégorie 1. Allant jusqu'à la catégorie 5 où les vents peuvent souffler à plus de 251 km/h.
Comment le changement climatique rend les cyclones plus intenses
Comme dit précédemment, pour que les cyclones prennent naissance, une eau à 26 degrés est essentielle. Ce qui n'est pas le cas dans nos hautes latitudes. Pourtant, des ouragans nous ont déjà rendu visite ces dernières décennies. Transformés en tempête de transition extra-tropicale, il n'est pas rare que ces systèmes largement affaiblis viennent mourir à notre latitude. En suivant le Gulf Stream, ces dépressions à cœur froid perdent toutes leurs caractéristiques tropicales.
Un événement climatique mondial vient perturber la donne : le changement climatique. La hausse globale des températures a un impact irrévocable sur les océans. En plus de s'acidifier, l'eau de l'océan devient plus chaude, sa température augmente de plus de 0,1°C par décennie depuis 1971 d'après la NOAA. Par rapprochement, l'on pourrait se dire que plus l'eau de l'océan est élevée, plus le nombre d'ouragans augmente.
Historique des ouragans de catégorie 3 ou plus depuis 1950 | Météo-Contact
Comme le dit le Centre national de recherches météorologiques, ce ne sera pas le cas. Selon les modèles climatiques, le nombre de cyclones stagnera, voire sera en légère baisse. Dans l'ordre de 5 à 30% en moins. Par contre, l'intensité des ouragans augmentera. Ceux de catégories 4 ou plus, présentant des vents de plus 211 km/h se montreront jusqu'à 25% plus nombreux. L'augmentation de la température des eaux va intuitivement apporter de l'énergie supplémentaire aux cyclones. Qui dit énergie additionnelle, dit ouragans susceptibles de devenir plus intenses.
Provoquant donc une série d'événements en cascade. Les vents les plus violents sont prévus d'être en augmentation de 10%, et les précipitations plus abondantes, avec une augmentation de 10 à 15 % d'après le C2ES. Faisant craindre un risque accru d'inondation côtière en raison de l'augmentation des ondes de tempête causée par la montée des eaux. Les régions côtières, notamment les Caraïbes très fragiles à ce type d'évènements extrêmes. D'après les scénarios d'émissions à gaz à effet de serre modérés, le niveau de la mer devrait s'élever 0,30 centimètre à 1,20 mètre.
Les précipitations abondantes de ces ouragans ont déjà marqué les esprits, comme l'ouragan Sandy en 2012 qui avait apporté plus de 300 mm de pluie. Entraînant le décès de 233 personnes, principalement entre New-York et Washington. Ou encore Harvey en 2017, frappant le Texas et la Louisiane. Plus de 150 mm d'eau en quelques jours, provoquant la mort de 107 personnes. On peut aussi citer l'ouragan Katrina en 2005, causant des dégâts matériels considérables estimés à 141 milliards $US, ainsi que la perte de 1800 vies surtout sur La Nouvelle-Orléans. Prouvant la capacité des ouragans à provoqué des inondations dévastatrices, en raison de ces systèmes à forte pluviométrie.
Nombre d'ouragans de catégories 5 par décennies depuis 1950 et leurs vents maximus | Météo-Contact
Soulignons d'ailleurs qu'au-delà des prévisions à long terme, le constat présent est déjà flagrant. Entre 1950 et 1999, soit en 49 ans, 15 ouragans de catégorie 5 furent enregistrés. Tandis que depuis l'année 2000, à savoir en 19 ans, 15 ouragans de catégorie 5 se sont produits. C'est aussi l'intensité de ces phénomènes qui s'est démultipliée, à l'image d'Irma en 2017 avec des rafales à plus de 360 km/h au compteur, plus rapide qu'un TGV lancé à pleine vitesse. Ou encore Dorian en 2019, et ses vents proches des 300 km/h.
La côte Est américaine est une zone particulièrement sensible, près de 325 millions d'habitants y vivent. Les ouragans représentent un véritable danger pour la vie humaine, comme l'a montré l'ouragan Sandy en 2012. Qui malgré son classement en catégorie 3 avait provoqué le décès de 233 personnes, principalement entre New-York et Washington. Autre exemple de la capacité meurtrière des cyclones, c'est le tristement célèbre ouragan Katrina en 2005, qui avait engendré la perte de 1800 vies entre la Nouvelle-Orléans et la Louisiane.
#OTD in 2012, Superstorm Sandy slammed into New Jersey with far reaching major impacts. The pressure was 945mb over Atlantic City, the lowest ever observed in the state. Damage totaled ~$70 billion, making it the 5th costliest hurricane in U.S. history. pic.twitter.com/T2lk8W8cH6
— Collin Gross (@CollinGrossWx) October 29, 2021
Il est important de rappeler que, quatre des dix ouragans les plus coûteux jamais enregistrés aux États-Unis se sont produits en 2017 et 2018. Le podium revenant à Katrina, dont les dégâts sont estimés à 141 milliards $US. Ces territoires à risques, d'une part par les ouragans et aussi par la montée des eaux doivent trouver des solutions pour permettre de s'adapter à ce type d'événements toujours plus extrêmes. La principale solution pour freiner le changement climatique, est la réduction des gaz à effet de serre.
L'Europe dans la ligne de mire des ouragans ?
Comme rappelé précédemment, il n'est pas rare que des cyclones formés dans les tropiques viennent mourir dans nos hautes latitudes. À l'inverse, ce qui est anormal, c'est la formation de cyclones à des latitudes aussi élevées. Une étude parue dans Nature en 2014, par des géophysiciens et des climatologues de la NOAA (Administration nationale des affaires océaniques et atmosphériques américaines), décrit une migration des cyclones vers le pôle, c'est-à-dire qu'ils atteignent leur maximum d'intensité à des latitudes de plus en plus au Nord.
Cette frontière d'intensité maximum des ouragans progresse vers le Nord de 53 à 62 kilomètres par décennie. Cette constatation est due au réchauffement des eaux, provoquant la formation de systèmes tropicaux à des latitudes inhabituellement élevées. Ce taux évolue d'environ d'un degré de latitude par décennie. Des territoires qui étaient jusqu'ici épargnés par la venue d'ouragan, seront plus à risque dans les prochaines années. L'on assiste déjà à une expansion des tropiques, due à l'augmentation des températures moyennes mondiales.
Migration vers le pôle des cyclones tropicaux | Météo-Contact
Un autre constat qui est notable, c'est le lieu de naissance toujours plus au Nord des cyclones. Encore récemment, l'ouragan Danielle qui s'est formé à la latitude 38° N. Ce système a évolué jusqu'en catégorie 1, avant de transiter en tempête extratropicale. L'ouragan Pablo est le cyclone qui est né le plus au Nord dans le bassin Atlantique, à 42° N. C'est aussi la proximité avec l'Europe qui interpelle. Comme Vince en 2005 qui avait fini sa course au large du Sud du Portugal.
L'évolution de la configuration des tempêtes tropicales sera susceptible de mettre en péril un plus grand nombre de biens et de vies humaines. Comme ça a déjà été le cas avec l'ouragan Ophelia en 2017, en catégorie 1 près des Açores dans un premier temps, avant de se transformer en cyclone extratropical. Cette tempête avait généré des vents à près de 200 km/h sur les pointes Irlandaises. De nombreux autres ouragans ont parfois pu nous atteindre, mais sous forme de tempête largement affaiblie et sans aucun caractère tropical. Pour cause, le manque d'eau chaude à nos hautes latitudes, véritable carburant pour ces systèmes.
Historique des tempêtes extratropicales | Météo-Contact
En conclusion, même avec le réchauffement de la température des eaux, l'Europe devrait rester à l'abri des conséquences dévastatrices des ouragans. Lorsque même ces systèmes pourront progresser plus au Nord, les études ne semblent pas évoquer la possibilité d'impacts directs pour la France et donc le continent européen. Nous ne sommes toutefois pas à l'abri des tempêtes extra-tropicales parfois redoutables comme Ophelia. Ce constat devra être revu quand la planète se sera réchauffée de quelques degrés.
Article écrit par Guillaume Jauseau |
Dernière mise à jour le Dimanche 02 juillet 2023 à 10:57:53
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