El Niño : le grand retour d'un phénomène particulier
El Niño signe son grand retour. Les conséquences climatiques de ce dernier pourraient se distinguer des événements précédents en raison de la surchauffe globale de la planète. Décryptage.
El Niño et La Niña : une oscillation à grande échelle
Les épisodes El Niño et La Niña, bien connus pour leur conséquences sur les conditions météorologiques à travers l’Asie, les États-Unis ou encore le Pérou, constituent une vaste oscillation connue sous le nom « El Niño Southern Oscillation (ENSO) », alternant entre phases froides (La Niña) et phases chaudes (El Niño) tous les 2 à 7 ans pouvant être entrecoupées par des phases neutre, persistant généralement pendant 9 à 12 mois et plus rarement jusqu’à 2 ans et atteignant son intensité maximale entre octobre et février.
Les différentes zones géographiques de l’ENSO
L’impact de l’ENSO sur l’atmosphère se traduit principalement par une réduction (augmentation) respective des alizées pendant les phases El Niño et La Niña, ainsi que la mise en place de vastes cellules de convection au-dessus du Pacifique, se déplaçant vers l’ouest pendant La Niña, vers l’est pendant El Niño, également connues sous le nom de cellules de Walker.
Évolution des cellules de convection/subsidence pendant les épisodes respectifs de l’ENSO
D’autres indicateurs permettent d’identifier une réponse de l’atmosphère, comme la modification des schémas de pression au sol entre le Pacifique Équatorial et l’Australie ou encore les modifications de la couverture nuageuse et des précipitations au-dessus du Pacifique Équatorial.
Un couplage atmosphérique perturbé
Cependant, le couplage atmosphérique s’est révélé déphasé avec ce à quoi nous nous attendions à voir habituellement au cours des derniers mois. Les alizées n’ont pas présenté de modifications significatives, une convection peu marquée au-dessus du Pacifique Équatorial ou encore un schéma de couverture nuageuse proche de conditions neutres. Dans l’ensemble, la réponse atmosphérique à l’événement El Niño en cours apparaît nettement affaiblie par rapport aux événements historiques d’intensité similaire.
Une raison de ce possible décalage pourrait se trouver dans la surchauffe actuelle des océans, et plus particulièrement dans la surchauffe du Pacifique Équatorial. Habituellement, la mise en place d’un événement El Niño provoque le refroidissement des eaux du Pacifique Occidental, vers l’Indonésie, ainsi que sur ses bords sud et nord. Ceci provoque traditionnellement un gradient de température entre l’eau plus chaude du Pacifique Équatorial Oriental et l’eau plus froide du Pacifique Équatorial Occidental, générant un forçage atmosphérique robuste et déplacé vers l’est du Pacifique Équatorial. Hors, nous n’avons observé aucun refroidissement du Pacifique Équatorial Oriental jusqu’à présent, la zone 4 de l’ENSO atteignant même des records de chaleur en septembre.
Comparaison entre le schéma classique d’El Niño et le schéma actuellement observé
La persistance d’une vaste anomalie chaude vers l’Indonésie au cours des derniers mois est suspectée d’être à l’origine de l’affaiblissement du couplage atmosphérique et de la modification de la position géographique de ce dernier, en raison de l’absence de gradient de température robuste entre l’ouest et l’est. En effet, nous avons observé un décalage vers l’ouest du forçage atmosphérique au cours des derniers mois, alors que celui-ci aurait du être fixé plus à l’est, vers le Pérou, dans des conditions normales.
Ceci indique par conséquent que la vaste piscine chaude à proximité de l’Indonésie joue un rôle clé dans l’évolution d’El Niño, et continuera de jouer ce rôle clé dans les prochains mois. Au lieu de se comporter comme un Niño fort, celui-ci se comporte comme un Niño faible à modéré ; il faut donc faire attention et ne pas se baser uniquement sur les anomalies de surface pour établir l’intensité de l’épisode en cours, mais plutôt regarder la réponse de l’atmosphère.
Des incertitudes pour l’hiver 2023/2024
Les modélisations des principaux modèles saisonniers pour l’hiver à venir indiquent que la réponse atmosphérique à El Niño continuera d’être affaiblie au cours des prochains mois, mais le degré d’affaiblissement varie en fonction des modèles, rendant plus difficile l’élaboration des tendances saisonnières pour l’hiver à venir. Si l’ENSO à lui seul a peu d’influence en Europe, divers facteurs concomitants peuvent contribuer à en amplifier l’effet, étendant sa zone d’influence, ou au contraire à réduire son influence. La principale conséquence d’El Niño sur le secteur atlantique est son influence sur le Jet-Stream subtropical, un vaste courant d’altitude où les vents peuvent souffler jusqu’à 300km/h.
L’orientation du Jet-Stream en sortie des États-Unis peut contribuer à favoriser des flux méridiens favorables à d’importants contrastes de masse d’air, ou au contraire favoriser un renforcement du rail dépressionnaire atlantique, baignant l’Europe dans la douceur. Comme la situation est particulière, les modèles ont du mal à s’accorder sur une prévision commune sur ce point. Par exemple, le modèle européen ECMWF modélise une très faible réponse atmosphérique, qui n’a pratiquement aucun impact sur les régimes de temps aux États-Unis notamment. Le modèle modélise quasiment une réponse atmosphérique contraire à ce que l’on observe habituellement sous El Niño avec un rail dépressionnaire absent sur le Pacifique, généralement signature de ce dernier. La réponse de ce côté correspond davantage à un épisode La Niña, induisant en partie un régime dit « zonal » sur l’Atlantique avec un rail dépressionnaire vigoureux.
?Cette animation montre à quel point l'épisode El Nino à venir est inhabituel: la cellule de convection généralement caractéristique d'El Nino est très réduite, voir inexistante au-dessus du Pacifique Équatorial, signalant une absence manifeste de couplage avec l'atmosphère. https://t.co/P67dijEwBy
— Aigle (@Aigle_e) October 9, 2023
En parallèle, le modèle saisonnier du Met Office, généralement plus performant qu’ECMWF en hiver, modélise une réponse atmosphérique nettement plus robuste en fin d’hiver qu’ECMWF, et n’inhibe pas autant l’activité dépressionnaire du Pacifique en milieu d’hiver, donnant lieu à une réponse atmosphérique diamétralement opposée à ECMWF, penchant plutôt pour des blocages nordiques en Janvier.
Modélisation de l’anomalie des centres d’actions pour Janvier 2024, ECMWF (gauche) et Met-Office (droite)
Les modèles de Météo-France et du DWD allemand modélisent également une réponse plus robuste qu’ECMWF, mais de subtiles différences persistent, ayant une implication plus large sur le régime de temps modélisé en Amérique du Nord et plus partiellement sur l’Atlantique. Le décalage vers l’ouest du forçage atmosphérique sur le Pacifique Équatorial contribue à favoriser une inclinaison du Jet-Stream plus favorable à des flux méridiens et donc des blocages nordiques. Étant donné que d’autres paramètres atmosphériques peuvent influencer les impacts de l’ENSO à travers la planète, une réponse atmosphérique légèrement différente peut tout changer. À suivre...
Article écrit par Baptiste B |
Dernière mise à jour le Mardi 17 octobre 2023 à 21:07:29
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